Une bonne vue, qu’est-ce que c’est ?
La vue est un sens précieux, celui qui nous relie le plus au monde extérieur : 80% des informations qui nous sont transmises au cerveau le sont d’ailleurs par les yeux. Quand on sait la hausse continue de l’espérance de vie à la naissance, on réalise à quel point il est important d’avoir une bonne vue et, surtout, de la conserver le plus longtemps possible. Mais pour la préserver, encore faut-il en comprendre le fonctionnement, car il ne s’agit pas seulement d’avoir 12/10e d’acuité visuelle à chaque œil pour bien voir. Acuité visuelle, vision binoculaire, champ visuel, vision des couleurs, sensibilité au contraste, vision des reliefs… focus sur quelques indispensables fonctions qui participent à la bonne vue.
La mesure de l’acuité visuelle
Sans doute connaissez-vous l’acuité visuelle, qui est bien souvent l’objet du premier examen réalisé par l’ophtalmologiste dans le cadre du contrôle de la vision. Elle est caractérisée par la capacité d’un individu à discerner deux points distincts séparés de la plus petite distance possible. Mesurée en 10e, l’acuité visuelle se détermine en vision lointaine et en vision rapprochée. 14/10e correspond notamment à une très bonne acuité en vision de loin.
Bon à savoir : une personne emmétrope, c’est-à-dire une personne dont la vision n’a jamais présenté aucun trouble de la réfraction (vision), ressent à partir de 45 ans les premiers symptômes caractéristiques de la presbytie. Il s’agit d’un trouble visuel lié au vieillissement naturel du cristallin. Si l’acuité visuelle de loin demeure inchangée, l’acuité de près est alors modifiée et réduite, nécessitant le port d’une correction visuelle pour lire. Ainsi, l’acuité visuelle n’est pas fixe et évolue tout au long de la vie, en dehors de situations de maladies des yeux, elle varie selon l’âge : si elle n’est que de 1/10e chez le nouveau-né et de 2 à 3/10e chez le nourrisson d’1 an, elle peut atteindre jusqu’à 20/10e chez des adolescents et jeunes adultes, être évaluée à 10/10e à partir de 50 ans et il n’est pas rare qu’après 80 ans, elle se situe autour de 5/10e.
Bien voir pour conduire
Il est toutefois indispensable de la contrôler pour nombre de situations de la vie quotidienne, comme conduire par exemple. En effet, 90 % des décisions et des gestes nécessaires à la conduite sont dépendants de la vue. C’est pourquoi le seuil requis pour la conduite en France est une acuité visuelle binoculaire (les deux yeux ensemble) de 5/10e (avec correction optique) avec un champ de vision binoculaire qui doit quant à lui être d’au moins 120 degrés. Si l’acuité d’un œil est inférieure, alors l’autre doit compenser avec 5/10e. On estime aujourd’hui en France à près d’1 million le nombre de conducteurs ayant une acuité inférieure aux 5/10e dictés par la législation.
Une bonne vue pour travailler
Bien voir est également nécessaire pour la pratique de certaines activités professionnelles, qui exigent un seuil minimum d’acuité visuelle. Les gardiens de la paix par exemple doivent avoir 15/10e avec correction pour les deux yeux, avec un minimum de 5/10° pour un œil. Les pompiers sont quant à eux reconnus aptes avec une acuité d’au moins 3/10e pour chaque œil (sans correction optique) et 8/10e avec correction optique. L’acuité binoculaire des conducteurs de train doit elle être de 10/10e (et au minimum 5/10e pour un œil)… Au-delà de ces métiers qui exigent une acuité visuelle bien spécifique, la médecine du travail est en charge du contrôle visuel sur le lieu de travail et en détermine l’aptitude à travailler ou non.
La malvoyance et les déficiences visuelles
Lorsque l’acuité visuelle est inférieure à 3/10e et supérieure ou égale à 1/10e avec un champ visuel d’au moins 20 degrés, on parle de déficience visuelle moyenne. En-deçà, on parle de déficience visuelle sévère (inférieure à 1/10e), déficience visuelle profonde (inférieure à 1/20e), déficience visuelle presque totale (inférieure à 1/50e) ou encore de cécité absolue en cas d’absence de perception de lumière. Cette classification de la déficience visuelle ou basse vision a été déterminée par l’Organisation Mondiale de la Santé. En France, on parle de cécité légale lorsque l’acuité visuelle est inférieure à 1/20e sur le meilleur œil après correction optique. La définition de l’acuité visuelle permet dans ce cadre d’ouvrir des droits accessibles aux personnes en situation de handicap visuel.
Si l’acuité visuelle est ainsi prépondérante dans les critères de définition d’une bonne vision, elle est loin d’être la seule !
La vision binoculaire
Une bonne vue passe également par une bonne vision binoculaire, c’est-à-dire une parfaite coordination des deux yeux, ensemble et en même temps. Elle se caractérise par la faculté du cerveau à fabriquer une seule image à partir des deux que lui envoient les deux yeux. Celle-ci est indispensable dans l’appréciation du relief ou encore des distances. Absente à la naissance, la vision binoculaire se met en place durant les premiers mois de la vie, plus exactement entre la 10e et la 16e semaine. Un mauvais fonctionnement de cette vision binoculaire peut se traduire par un strabisme plus ou moins visible, que l’on détermine divergent (vers l’extérieur), convergent (vers l’intérieur) ou vertical (vers le haut ou le bas). A la fin du 4e mois, il est donc fondamental de consulter un ophtalmologiste si les yeux du bébé ne sont pas alignés et coordonnés et/ou s’il louche de façon plus ou moins continue. En effet, pour pallier à cette vision en double, son cerveau va avoir tendance à n’utiliser qu’un œil et, par conséquent, délaisser l’autre œil. Celui-ci en devient paresseux jusqu’à devenir inutile, entraînant une baisse progressive de la vision jusqu’à une perte totale de cet œil « oublié » : on parle alors d’amblyopie. Le dépistage précoce de l’amblyopie relève d’enjeux importants de santé publique puisque ce défaut concerne 6% de la population, c’est-à-dire près de 4 millions de personnes. Or corrigés avant l’âge de 2 ans et demi, les enfants peuvent retrouver une vision normale. Au-delà de 5 ans, elle n’est retrouvée que dans 50% des cas. Après 6 ans, la perte d’un œil est irréversible. En plus des visites médicales obligatoires chez le pédiatre, la surveillance parentale est essentielle pour déceler d’éventuelles anomalies. Des signaux d’alerte existent et doivent inciter à consulter au plus vite un ophtalmologiste. Pour reconnaître les situations à vigilance, lisez l’article complet sur la vision de l’enfant >
Un champ visuel à 180 degrés
Lorsque vous fixez un point droit devant vous, sans bouger, le champ visuel correspond à l’étendue de l’espace visible par votre regard. Un mouvement, une lumière, une forme, une couleur… peuvent donc être immédiatement repérés lorsqu’ils « entrent » dans le champ, que ce soit sur les côtés, le haut ou le bas du regard. Evidemment, la précision de la vision est meilleure en vision centrale, c’est-à-dire lorsque vous observez un objet, qu’en vision périphérique. Mesuré en degrés, le champ visuel s’étend « normalement » pour les deux yeux sur 180° en largeur et 130° en hauteur : on parle alors de champ visuel binoculaire. Toutefois, il importe de savoir qu’avec l’âge, le champ visuel périphérique tend à se rétrécir. Pour déterminer la qualité du champ visuel, l’ophtalmologiste réalise un examen, appelé périmétrie, permettant d’en mesurer ses limites. Il est essentiel dans le dépistage et le diagnostic de certaines maladies oculaires qui dégradent considérablement le champ visuel comme le glaucome ou la rétinopathie pigmentaire.
En voir de toutes les couleurs
Contrairement à d’autres êtres vivants qui ne disposent pas du même système visuel, nous avons la chance de voir le monde extérieur en couleurs ! En effet, la rétine qui tapisse le fond de l’œil et transmet les informations au système nerveux est composée de très nombreux photorécepteurs, c’est-à-dire des cellules sensibles aux influx lumineux : les cônes et les bâtonnets. Au nombre de 6 à 7 millions par œil, les cônes qui se répartissent au centre de la macula (elle-même au centre de la rétine) sont en charge de la perception des couleurs : ils sont classés en trois catégories, selon qu’ils contiennent en majorité des pigments sensibles au bleu, sensibles au vert et sensibles au rouge, la combinaison de ces trois couleurs permettant de composer toutes les autres couleurs. Si rares sont les personnes atteintes d’achromatopsie, c’est-à-dire une absence totale de la vision des couleurs, un plus grand nombre de patients souffrent en revanche d’anomalies de la vision des couleurs, dont la plus connue est le daltonisme. Correspondant à une déficience de l’une ou plusieurs de ces trois catégories de cônes (bleu, vert et rouge), le daltonisme est une anomalie visuelle génétique liée au chromosome X, c’est pourquoi elle est plus fréquente chez les hommes (8% de la population) que chez les femmes. Le test d’Ishihara est l’examen le plus courant réalisé par l’ophtalmologiste pour déterminer la vision des couleurs. Tandis que les cônes assurent la vision des couleurs, ce sont les bâtonnets qui, dans l’obscurité, prennent le relais de la vision. Or, si les bâtonnets sont en nombre (environ 130 à 150 millions par œil), situés quant à eux dans la zone périphérique de la rétine, il n’en existe qu’un seul type, c’est pourquoi la vision nocturne ne comporte aucune couleur et s’étend sur différents niveaux de gris. Bon à savoir : certains animaux disposent d’un nombre très inférieur de cônes et/ou d’un ou deux types seulement de cônes, rendant ainsi moins performante leur vision diurne. D’autres comme le chat ou le hibou ont une excellente vision nocturne en raison d’un nombre très élevé de bâtonnets dans leur rétine : on dit qu’ils sont nyctalopes.
La vision des contrastes et des reliefs
Cela peut sembler évident : nous distinguons les objets de façon contrastée et percevons le monde extérieur en 3 dimensions, nous permettant de nous déplacer, d’apprécier les distances, les formes, etc. Ces notions de sensibilité aux contrastes et à la vision stéréoscopique, autrement dit la vision des reliefs, permettent d’appréhender la profondeur de champ et la distance des objets par rapport à soi. Cette vision des reliefs dépend de la vision binoculaire, c’est-à-dire la vision des deux yeux ensemble : le cerveau reçoit simultanément les informations transmises par l’œil gauche et celles par l’œil droit, c’est-à-dire deux images plus ou moins différentes. Ensuite le cerveau les « analyse », les « fusionne », générant une vision simple (non dédoublée) avec la perception du relief à partir de deux images planes. Toutefois, ces facultés sont réduites chez les personnes atteintes de certaines pathologies oculaires comme une cataracte, un glaucome débutant, une DMLA ou encore une rétinopathie diabétique.
Conclusion
Toutes ces fonctions visuelles, lorsqu’elles sont altérées, ont un impact plus ou moins important sur la vision et, plus globalement, sur la vie. D’où l’importance de réaliser des contrôles de vue réguliers chez l’ophtalmologiste. Pour les enfants, trois visites chez le pédiatre sont obligatoires à 8 jours, 9 mois, 3 ans. Après 6 ans, ce sont les visites scolaires qui permettent le suivi de l’enfant. Toutefois, rappelons ici que le dépistage précoce est fondamental pour la qualité de sa vision tout au long de la vie. Toute situation de vigilance (antécédents familiaux, signaux, etc.) doivent alerter et faire l’objet d’une consultation chez l’ophtalmologiste. Pour les adultes, les professionnels de santé préconisent, entre 18 et 45 ans, de consulter un ophtalmologiste tous les 5 ans puis, à partir de 45 ans, tous les 2 ans. Cela vaut pour la surveillance et le dépistage, mais il est bien sûr indispensable de prendre rapidement rendez-vous avec un ophtalmologiste à la moindre gêne, modification ou altération de la vision. La vue est un sens précieux, il est primordial d’en prendre soin.